Selon les données du ministère de la recherche, données provisoires pour l’exercice 2020, cette dépense représente 0,026% du total des dépenses éligibles. Soit environ 1,72 millions d’euros de CIR pour les 27443 déclarants (soit 62€ en moyenne par société). Le CIR total est de 6,84 milliards d’euros.
Nous n’avons hélas pas la répartition de ce « CIR Normalisation » par typologie d’entreprise (PME, ETI ou grands groupes) ou par secteur d’activité.
En revanche, de notre expérience sur un panel important de sociétés, une grande majorité des dépenses de normalisation sont portées par les grands groupes, voire les ETIs.
Cette nature de dépense est-elle donc « sous-utilisée » ou bien est-elle faible par défaut ?
1.Rappel des textes de loi
L’Article 244 quater B – Code général des impôts – Légifrance (legifrance.gouv.fr) des impôts dispose :
Les dépenses de normalisation afférentes aux produits de l’entreprise, pour la moitié de leur montant :
- Les salaires et charges sociales afférents aux périodes pendant lesquelles les salariés participent aux réunions officielles de normalisation ;
- Les autres dépenses exposées à raison de ces mêmes opérations ; ces dépenses sont fixées forfaitairement à 30 % des salaires mentionnés au 1° ;
- Les dépenses exposées par le chef d’une entreprise individuelle, les personnes mentionnées au I de l’article 151 nonies et les mandataires sociaux pour leur participation aux réunions officielles de normalisation, à concurrence d’un forfait journalier de 450 € par jour de présence auxdites réunions ;
Le BOI-BIC-RICI-10-10-20-50 – BIC précise les normes françaises, européennes ou mondiales :
- Pour la France, la normalisation est assurée par l’AFNOR www.afnor.org.
- Pour l’Europe, le Comité Européen de Normalisation (CEN), le Comité Européen de Normalisation électrotechnique (CENELEC) et l’Institut européen de normalisation des télécommunications (ETSI).
- Pour le reste du monde, l’International Standards Organisation (ISO) et la Commission Électrotechnique Internationale (CEI).
La participation à des réunions avec d’autres organismes n’ouvre pas droit au crédit d’impôt.
La durée de la participation à ces réunions officielles correspond à la durée de l’absence du salarié qui participe à ces réunions. Elle comprend donc le temps de la participation proprement dit et le temps de transport nécessaire pour se rendre à ces réunions.
2. Calcul du CIR
Ainsi, in fine, sur une base 100 de rémunération brute (incluant 40% de charges éligibles), nous obtenons en dépenses de personnel pour la recherche ou la normalisation :
- En dépenses de personnels : (100 + 43)*30% = 42,9
- En dépenses de normalisation : ((100 + 30)/2)*30%=19,5
Pourrait-on penser que le faible taux de CIR pour la normalisation incite un chercheur, qui travaille sur des sujets de recherche et des sujets de normalisation, à pointer ses jours exclusivement en recherche ?
Ce taux pourrait donc être une raison de la sous-utilisation de ce « CIR Normalisation ».
3. Quel potentiel ?
Imaginons que chaque déclarant de CIR, concerné par l’innovation sur ses produits, participe à la définition d’au moins une norme, à hauteur de 20 heures par an (réunions et déplacement).
Nous aurions donc 27433*20 = 548660 heures éligibles au « CIR Normalisation ».
Avec un salaire de 50k€ brut et 40% de charges éligibles, sur une base de 1607 heures annuelles, on obtient un taux horaire éligible de 43,56€/h.
Ainsi, pour le normalisation, nous aurions 548660*43,56€ = 23,9 millions d’euros de dépenses de personnel soit environ 4,66 millions d’euros de « CIR normalisation » (à comparer au 1,72 millions actuels).
En conclusion, le potentiel semble donc plus élevé quand bien même nous conserverions le mode de calcul actuel.
4. Analyses et propositions
Pourquoi donc si peu de dépenses éligibles déclarées au titre de la normalisation dans le CIR ?
Nous y voyons plusieurs raisons :
- Le faible taux de CIR final sur les heures de normalisation.
- Les contraintes justificatives (bien que cette dépense soit peu souvent discutée lors des contrôles fiscaux) : feuilles de présence, « organismes officiels ».
- La dissociation Recherche – Normalisation. En effet, l’approche CIR est quasi exclusivement centrée sur les activités de recherche. Or la normalisation est régulièrement effectuée par des personnels non chercheurs.
- La limitation aux organismes « officiels ». Bien que cela soit compréhensible, cette limitation peut parfois être « injuste » pour des sociétés participant à des développements de normes sur des secteurs spécifiques. D’autant plus que ces travaux sont régulièrement repris par les organismes officiels. Enfin, pourquoi ne pas mettre à la charge de l’entreprise que de démontrer le caractère « organisme de normalisation » ?
Nos propositions :
- Si l’on considère les faibles enjeux (versus le CIR total) et les contraintes justificatives, faut-il conserver cette dépense dans celles éligibles aux crédits d’impôts recherche ou innovation. Et ce d’autant plus que cette activité n’a pas de lien direct avec celles de recherche ou d’innovation. En effet, cette activité est liée aux produits de l’entreprise. Au mieux l’on peut considérer que l’anticipation des normes est une partie de la recherche. Mais dans ce cas, les heures seront pointées en recherche.
Là nous serions dans la simplification de démarche, de calcul, de justification…
- Si l’on considère l’incitation fiscale à la participation des entreprises pour la définition des nouvelles normes, alors l’on doit rendre plus incitatif le calcul du « CIR Normalisation » en se rapprochant des modes de calcul des dépenses de personnels (43% d’abondement forfaitaire, sans division par 2). Dans ce cas, le CIR ne serait plus de 1,72 millions d’euros mais 3,78 millions d’euros (soit toujours une somme relativement faible versus le total de CIR).
L’intérêt de cette simplification éviterait l’arbitrage entre « heures de recherche » et « heures de normalisation ».
Nous conserverions les contraintes de justification (au demeurant « normales » ou « logiques ») mais elles seraient contrebalancées par une réduction d’impôt plus significative.
Enfin, et hélas, la normalisation n’est pas non plus perçue comme donnant du crédit d’éligibilité au dossier de CIR.
Notre préconisation finale serait de retirer cette dépense des calculs du CIR pour la plus forte simplification des démarches, calculs… considérant les enjeux.