Le pilier 2 ou GloBE (Global anti Base Erosion) et les réductions d’impôt en France CIR et IP BOX
Il s’agit d’éviter des taux d’impôt sur les sociétés trop bas et considérés comme dommageables pour les autres pays aux taux supérieurs à 15%.
Ainsi, en décembre 2021, l’OCDE et le G20 se sont mis d’accord pour, à partir du 31 décembre 2023 (en pratique le 1er janvier 2024), mettre en place une imposition effective minimale de 15% (ETR ou Effective Tax Rate).
Qui est concerné ?
Les entreprises internationales réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 750 M€ pour le groupe, deux années sur les quatre dernières années. A noter que par extension, au sein de l’union européenne, les entreprises « mono pays » seront également soumises à ce minimum d’impôt sur les bénéfices.
Cela concerne les entités juridiques filiales et les établissements stables.
Si le taux de 15% selon les règles du GloBE n’est pas atteint dans un pays, alors l’écart entre le taux effectif dans ce pays et le minimum de 15% sera versé au pays de la maison mère. Autrement écrit, soit le pays règle localement cet impôt additionnel, soit la maison mère le règlera.
Règles générales
Voir les définitions
Deux règles : RDIR (règle d’inclusion du revenu ou IRR en anglais) et son filet de sécurité, la RPII (règle relative aux paiements insuffisamment imposés ou UTPR en anglais).
La règle RDIR est la règle par défaut avec un calcul de paiement de l’impôt supplémentaire ou bien en proportion de la détention pour les entités mères ayant des participations.
La RPII s’applique dans le cas d’une chaine de remontée de l’impôt supplémentaire rompue. Le calcul est donc modifié et prend en compte des éléments factuels / comptables comme la valeur nette comptable des actifs corporels et les dépenses de personnel.
Les calculs propres à GloBE
Résultat GloBE
Il s’agit du résultat net comptable avant les ajustements intra-groupes de consolidation -selon la norme comptable de consolidation de la mère ultime, en particulier l’IFRS – corrigé de /des :
- La charge fiscale nette.
- Dividendes exclus.
- Plus ou moins-values sur capitaux exclues, incluses au titre de la méthode de réévaluation ou résultant de la cession d’actifs et de passifs exclues.
- Gains ou pertes de change asymétriques.
- Dépenses non admises en déduction par principe.
- Erreurs relatives à des périodes antérieures et des changements de principes comptables.
- Charges de retraite à payer.
Dans le cas d’un établissement stable, le bénéfice ou la perte est « remonté(e) » à l’entité juridique mère.
Montant ajusté des impôts des entités de la juridiction
Quels sont les impôts concernés ?
Ne sont pas considérés les taxes sur les salaires, le chiffre d’affaires, la propriété… et les autres taxes indirectes.
Seules sont concernées les taxes assises sur les bénéfices :
- Les impôts sur les revenus ou les bénéfices (distribués ou non).
- Un impôt assimilable aux précédents (soit généralement applicable sur les bénéfices ou revenus).
- Les impôts sur les fonds propres.
Ne sont pas concernés :
- Les impôts liés aux calculs GloBE.
- Un impôt imputé remboursable non qualifié.
L’ajustement de l’impôt concerné se fait selon les modalités suivantes :

A noter que si aucun Bénéfice GloBE net dans la juridiction, le montant ajusté réel est négatif et inférieur au montant ajusté escompté. Dans ce cas, les entités sont redevables d’un impôt complémentaire additionnel courant.

Avec:

Quid des réductions / crédits d’impôt
Un Crédit d’impôt remboursable qualifié désigne un crédit d’impôt remboursable en trésorerie ou liquidités dans les quatre ans après l’octroi du crédit. Il en va ainsi du CIR Français.
Les crédits d’impôts qualifiés remboursables sont considérés comme des revenus et comme une augmentation de l’impôt (voir chapitre sur le montant ajusté de l’impôt concerné) ! Il a donc un effet beaucoup moins défavorable dans le calcul du taux effectif d’imposition.
Dans ce cas, le CIR est bien ajouté au montant ajusté de l’impôt concerné et également considéré comme un revenu GloBE. Il apparaît donc au numérateur et dénominateur du calcul du taux effectif d’imposition.
Les autres crédits d’impôt ne rentrant pas dans les critères ci-dessus sont considérés comme non qualifiés et viennent seulement réduire le numérateur du taux effectif d’imposition en réduisant le montant ajusté des impôts concernés. Par exemple l’Article 238 (communément appelé IP BOX).
Calcul de l’impôt complémentaire
A noter que le calcul s’effectue aux bornes de la juridiction, soit classiquement aux bornes d’un pays.


Avec:

Si ETR (taux effectif d’imposition) est supérieur à 15% alors le taux complémentaire est nul.

Le bénéfice GloBE net de la juridiction est la somme des bénéfices et pertes des entités de la juridiction.

Les frais de personnels sont pris hors ceux capitalisés dans une immobilisation corporelle afin d’éviter le double comptage. A noter que ce taux de 5% est celui ciblé à terme, les valeurs transitoires ont les suivantes :

Les pays, pour encaisser eux-mêmes l’impôt Pilier 2 au lieu qu’il soit versé au pays de la maison mère, peuvent mettre en place un impôt complémentaire domestique ou impôt minimum qualifié (QDMTT en anglais). L’OCDE est en train de définir les règles pour qu’un tel impôt soit qualifié. Mais l’OCDE autorise à ce jour que les formulaires de déclaration QDMTT soient différents de celui de la déclaration GLOBE ce qui pourrait entrainer un travail supplémentaire très lourd dans chaque juridiction ayant une QDMTT.
A noter l’exclusion « sur option annuelle » si un ensemble d’entités d’une juridiction réalise moins de 10M€ de chiffre d’affaires sur 3 ans glissants ET le résultat GloBE est inférieur à 1M€ en moyenne.
Le paiement de l’impôt complémentaire, sur une juridiction, se fait au poids des bénéfices de chaque entité constitutive de la juridiction.
L’impôt « supplémentaire » est reportable selon les règles du pays où il s’impute (localement ou bien dans le pays de la maison mère s’acquittant de l’impôt).
Cas d’étude simplifié
Le texte de référence est bien évidemment complété de situations complexes comme les fusions-acquisitions et leurs conséquences en matière de Purchase Price Accounting, les fonctionnements en holding ou sociétés d’investissement…. le traitement des cessions ou acquisitions d’actifs….les entités transparentes….
Cependant, afin de saisir le lien avec le CIR ou l’IP BOX (Article 238 en France) …, prenons un cas simple incluant une réduction d’impôt remboursable (qualifiée) et une réduction d’impôt non remboursable (non qualifiée). Les définitions sont ainsi simplifiées :
- Le résultat GloBE = le résultat comptable avant flux intra-groupe + crédit remboursable.
- Impôts concernés = l’impôt exigible par l’entité en local (après déduction du CIR et IP BOX).
- Montant ajusté des impôts concernés = Impôts concernés + Crédit d’impôt remboursable – Crédit d’impôt non remboursable. Ici nous aurions Montant ajusté = Impôts exigibles + CIR – IP BOX.
- ETR = Montant ajusté des impôts concernés / (Résultat GloBE + Crédit impôt remboursable).
- Taux complémentaire = 15% – ETR.
- Bénéfice excédentaire = Bénéfice GloBE – (5% masse salariale + 5% VNC actifs corporels).
Et pour finir, l’impôt complémentaire est le taux complémentaire appliqué au Bénéfice excédentaire.
A RETENIR :
- Le CIR n’impacte pas l’ETR se trouvant au numérateur et au dénominateur.
- L’IP BOX réduit l’ETR en réduisant le numérateur.
- Si l’entreprise investit dans les personnels ou les matériels (actifs corporels) alors le Bénéfice excédentaire est plus faible que le résultat GloBE.
Hypothèses de calcul pour illustration
- Revenus locaux de 100 M€ et dépenses de 95M€ (dont 40M€ de masse salariale ; et au bilan 20M€ de VNC sur actifs corporels), soit un EBIT de 5% et un résultat net de 5M€.
- Un taux commun d’impôt (incluant les impôts différés) de 16%, soit un impôt calculé de 800 k€.
- Un crédit d’impôt remboursable de 200 k€.
- Un crédit d’impôt non remboursable de 300k€.
Le Résultat GloBE = Bénéfice GloBE (assumant aucun retraitement) + Crédit d’impôt remboursable = 5,2M€.
L’impôt de 16% de 5 M€, soit 800 k€ assumant aucun retraitement, incluant les impôts différés et déduit les réductions d’impôt CIR et IPBOX. Soit un impôt final exigible de 300k€
Montant ajusté de l’impôt (impôt exigible + CIR – IPBOX)= 300k€ + 200k€ – 300k€ = 200k€
Taux effectif d’imposition = 200k€ / 5,2M€ soit 3,85% (inférieur au minimum de 15%)
Taux complémentaire = 15%-3,85% = 11,15%
Bénéfice excédentaire = 5,2M€ -5%*40M€-5%*20M€ = 2,2 M€
Impôt complémentaire = 11,15% * 2,2M€ = 245k€
Au final, la société s’acquittera donc de 200k€ d’impôts exigibles + 245k€ d’impôt GloBE soit 445k€ au final versus les 5M€ de bénéfice réel. Ainsi, cette mécanique remonte l’imposition finale de 4% (200k€/5M€) à 8,9% (445k€/5M€) dans le cas ci-dessus exposé. Nous ne sommes pas « revenus » aux 15% cible en lien avec l’effet de réduction du bénéfice excédentaire via la VNC et les rémunérations.
Imaginons une VNC et des salaires nuls, pour valider la cohérence des calculs, alors nous aurions un impôt complémentaire de 11,15%*5,2M€ soit 580k€, et un taux final dû de 200k€+580k€ = 780k€ ; soit un taux final d’impôt de 780k€/5M€ = 15,6% (et un taux d’imposition incluant le CIR de 780k€/5,2M€ = 15% !).
Annexe
La RDIR consiste à assujettir une entité mère à un impôt complémentaire portant sur le revenu faiblement imposé d’entités d’un groupe (appelées « entités constitutives »). La RDIR s’applique de manière descendante, ce qui signifie qu’elle est appliquée par l’entité située au sommet ou à proximité du sommet de la chaîne de détention du groupe d’EMN, qui est normalement l’entité mère ultime. Toutefois, si l’entité mère ultime n’applique pas la RDIR, au moins une entité mère intermédiaire devra appliquer la RDIR à ses entités constitutives faiblement imposées. La RDIR est assortie d’une règle de contrôle partagé pour les participations inférieures à 80 %. Cela signifie que la RDIR sera appliquée par une entité mère partiellement détenue en priorité aux filiales qu’elle contrôle au sein d’un sous-ensemble du groupe d’EMN par rapport à l’entité mère ultime lorsque cette entité mère partiellement détenue est détenue à plus de 20 % par des actionnaires extérieurs au groupe d’EMN. S’il y a plusieurs entités mères partiellement détenues dans un groupe d’EMN, la RDIR sera appliquée par l’entité mère partiellement détenue la plus proche de l’entité constitutive faiblement imposée dans la chaîne de détention.
La RPII fait office de filet de sécurité de la RDIR et s’applique dans les situations dans lesquelles il n’existe aucune RDIR qualifié dans la juridiction de l’entité mère ultime, ou lorsque le niveau d’imposition est faible dans la juridiction de l’entité mère ultime. La RPII consiste à attribuer l’impôt complémentaire à une juridiction lorsque le revenu faiblement imposé d’une entité constitutive n’est pas assujetti à l’impôt au titre d’une RDIR. La RPII attribue l’impôt complémentaire aux juridictions sur la base d’une formule à deux facteurs : la valeur comptable des actifs corporels dans la juridiction et le nombre d’employés dans la juridiction. Tandis que l’accord global vise l’entrée en vigueur de la RDIR à partir du 1er janvier 2023, il exige la mise en œuvre de la RPII un an plus tard.