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Les Jeunes Docteurs

Avis du conseil d’Etat sur les Jeunes Docteurs

CAA de PARIS, 2ème chambre, 31/05/2023, 22PA02557, Inédit au recueil Lebon

Rappel de l’affaire

Cour d’appel

La cour d’appel a refusé le bénéfice du dispositif de Jeunes Docteurs car les personnes concernées avaient obtenu leur doctorat postérieurement à leur date d’embauche dans la société.

Personne 1 : recrutée dans la société en date du 28/11/2016 ; diplômée du doctorat en date du 09/12/2016 (soit quelques jours après).

Personne 2 : recrutée dans la société en date du 14/06/2016, diplômée du doctorat en date du 23/11/2016 (soit 5 mois après son embauche).

La cour d’appel a donc rejeté le statut Jeune Docteur considérant qu’il y avait un CDI préalable à l’embauche ce qui irait à l’encontre du 244 quater B, sur la notion de premier recrutement.

Conseil d’état

Le conseil d’état donne raison à la société en validant la prise en compte du statut de Jeunes Docteurs à partir de la date de signature du contrat CDI. En l’espèce :

Personne 1 est Jeune Docteur du 09/12/2016 jusqu’au 28/11/2018 (et non pas 09/12/2018).

Personne 2 est Jeune Docteur du 23/11/2016 au 14/06/2018 (et non pas 23/11/2018).

Le conseil d’état considère donc littéralement la phrase : « elles sont prises en compte pour le double de leur montant pendant les vingt-quatre premiers mois suivant leur premier recrutement ». Cette phrase ne faisant pas référence à la date d’obtention du doctorat mais seulement la date du premier recrutement.

Conclusion

Le conseil d’état rejette donc la position de la cour d’appel qui ne considérait que la date du premier recrutement. Cette position de la cour d’appel sous-tendait une concomitance entre la date du premier CDI et la date d’obtention du doctorat pour l’application du dispositif « Jeunes Docteurs ».

A noter qu’aucune des deux personnes n’a fait l’objet d’un avenant au contrat suite à l’obtention du doctorat. Du moins, aucun des jugements n’en fait mention.

La vision du Conseil d’Etat est donc en faveur des entreprises !

A noter que la date d’obtention du grade de docteur est celle de la remise du diplôme (et non pas la date de soutenance de la thèse ; voir Arrêté du 25 mai 2016 fixant le cadre national de la formation et les modalités conduisant à la délivrance du diplôme national de doctorat).

Notre analyse

Le conseil d’état fait une lecture stricte du code général des impôts en faveur des entreprises.

Le sujet d’un avenant n’est pas abordé dans ces jugements !

Les textes BOI et MESRI ajoutent, positivement pour les entreprises :

  • Une notion de premier contrat CDI postérieur au doctorat en lien avec des fonctions liées au diplôme.
  • La notion d’avenant au contrat CDI reconnaissant le doctorat.

Nous avons donc un imbroglio entre le CGI, BOI et MESRI sur les notions de « premier recrutement » dans l’application du dispositif « Jeune Docteur ». Imbroglio entre les dates de « premier CDI », les dates de passage au grade de docteur, la notion de fonction liée au diplôme, la notion d’avenant….

Etude de cas (focalisé sur les dates ; les autres critères étant remplis) :

  1. La personne signe son premier CDI après l’obtention de son doctorat (cas « classique » d’un CDI en fin d’étude). La date d’embauche = la date du premier recrutement = la date de démarrage du Jeune Docteur. C’est le cas le plus fréquent, le plus simple, sans ambiguïté.
  2. La personne signe un CDI (pas son premier) en tant que Docteur. Selon le BOI et le MESRI, cela serait valable. En lecture « stricte » du CGI, cela serait éligible entre la date du premier CDI et les deux ans, si la personne obtient son doctorat dans cet intervalle.
  3. La personne signe un CDI (pas son premier) et se trouve docteur après 2 ans de CDI. Cela serait OK pour le BOI et MESRI si le nouveau CDI est lié à une fonction liée au diplôme. En lecture stricte du CGI, cela ne serait pas éligible.
  4. La personne est docteur plus de 2 ans après son entrée dans l’entreprise. Selon le BOI et MESRI, s’il y a un avenant, alors cela serait OK. Ce qui ne serait pas ok dans une lecture stricte du CGI.

A noter qu’un avenant au contrat de travail, s’il modifie un élément essentiel de celui-ci (rémunération, fonction ou qualification), est bien considéré comme un nouveau contrat (sans retour en arrière possible) (références ici et ici). Le code du travail ne stipule que des modifications pour motifs économiques.

 

Notre position :

  • Le dispositif requiert une analyse au cas par cas !!! considérant les dates et les autres conditions du dispositif (notamment la variation du nombre de « personnel de recherche »).
  • La doctrine fiscale (BOI) et la position du ministère de la recherche sont plus souples (avenant, premier CDI dans la fonction). Autrement écrit, les contrôles étant basé sur ces éléments, cela est en faveur des entreprises.
  • Le conseil d’état donne raison aux entreprises sur un seul cas spécifique, en application stricte du CGI. Dans un cas similaire, s’y conformer.

Les documents encadrant le CIR (CGI, BOI et guide MESRI)

Le 244 quater B

  1. b) Les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche directement et exclusivement affectés à ces opérations. Lorsque ces dépenses se rapportent à des personnes titulaires d’un doctorat, au sens de l’article  L 612-7 du code de l’éducation, ou d’un diplôme équivalent, elles sont prises en compte pour le double de leur montant pendant les vingt-quatre premiers mois suivant leur premier recrutement à condition que le contrat de travail de ces personnes soit à durée indéterminée et que l’effectif du personnel de recherche salarié de l’entreprise ne soit pas inférieur à celui de l’année précédente ;

Le Bulletin Officiel des Impôts précise

La notion de « premier recrutement » s’apprécie non pas au niveau de l’entreprise mais au niveau du jeune docteur. Ainsi, par « premier recrutement », il convient d’entendre le premier contrat de travail à durée indéterminée (CDI) conclu postérieurement à son doctorat par un jeune docteur pour des fonctions liées à son niveau de diplôme, quel que soit le lieu de recrutement (en France ou à l’étranger).

Le premier CDI conclu postérieurement au doctorat n’est pas considéré comme un premier recrutement ouvrant droit à une prise en compte des salaires et cotisations sociales obligatoires pour le double de leur montant lorsque, entre l’obtention de son doctorat et la conclusion du CDI avec l’entreprise, le docteur a exercé une activité salariée au sein d’un organisme public sous un statut équivalent à un CDI (statut de fonctionnaire dans une université par exemple).

En cas d’absence du jeune docteur pour cause de maladie, de maternité, d’adoption ou d’accident du travail, il est admis que le délai de 24 mois ouvrant droit au doublement d’assiette soit suspendu pendant la durée de cette absence. Le délai court à nouveau à compter de la réintégration du salarié.

Par ailleurs, dans le cas où, avant l’obtention de son doctorat, le jeune docteur a déjà conclu un CDI dans l’entreprise, le premier recrutement est réputé avoir lieu, en l’absence de conclusion d’un nouveau CDI :

  • à la date à laquelle a été signé un avenant au CDI initial reconnaissant la qualité de jeune docteur suite à l’obtention du doctorat ;
  • ou à la date prévue dans une clause du CDI initial qui détermine la reconnaissance de la qualité de jeune docteur suite à l’obtention du doctorat, sans que cette date puisse être antérieure à l’obtention effective du doctorat.

Il est admis que lorsqu’un premier CDI prend fin au cours de la période d’essai prévue à l’article L. 1221-19 du C. trav., il ne soit pas considéré comme un premier recrutement pour l’application du b du II de l’article 244 quater B du CGI. Cette tolérance n’est admise qu’une fois. Dans cette hypothèse, les dépenses de personnel engagées par l’entreprise signataire du premier CDI lors de la période d’essai restent comprises dans l’assiette du crédit d’impôt pour le double de leur montant, conformément au b du II de l’article 244 quater B du CGI.

Le ministère de la Recherche ajoute, dans son guide 2023

Elle s’apprécie non pas au niveau de l’entreprise mais au niveau du « jeune docteur ». Par « premier recrutement », il convient d’entendre le premier CDI conclu postérieurement à son doctorat par un « jeune docteur » à un niveau d’activité équivalent à son diplôme, quels que soient sa nationalité et son pays d’origine. Ainsi, un CDI conclu par un docteur pour exercer une activité de subsistance (secrétaire, vendeur, serveur…) n’est pas considéré comme un premier recrutement à un niveau d’activité équivalent à son diplôme et ne prive pas le docteur du bénéfice ultérieur de l’avantage « jeune docteur ».

Le contrat de travail à durée indéterminée intermittent (CDII), défini aux articles L3123-31 à L3123-37 du code du travail est un contrat relatif à un emploi permanent qui, par nature, comporte une alternance de périodes travaillées et de périodes non travaillées. Ce contrat est considéré comme un CDI pour le bénéfice de l’avantage « jeune docteur ».

Un CDI « chantier » étant, par définition établi sur une durée déterminée, « celle de la mission », est considéré comme un CDD (contrat à durée déterminée) et non comme un CDI. Un CDI « chantier » ne peut donc faire bénéficier des avantages « jeune docteur » à l’entreprise qui l’emploie.

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